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Bernard AttaliLa méthode de valorisation des capitaux immatériels apporte des informations nouvelles sur les start-up de la défense et c’est ainsi qu’elle se distingue des méthodes conventionnelles de valorisation. Cela permet également de prendre en considération le potentiel de développement de ces start-up. Cette méthode montre donc les atouts qu’elles possèdent et permet de les valoriser financièrement, d’une manière qui est tant qualitative que quantitative.

Il y a dix capitaux immatériels qui ne sont pas toujours évalués par les méthodes de valorisation classique mais qui pourtant font la richesse des start- up du secteur de la défense. Le capital humain représente l’intelligence du groupe formé par les acteurs de l’entreprise. Pour l’évaluer il faut prendre en compte le coût de recrutement de l’équipe, l’efficacité du groupe de travail etc. Cet élément est commun entre toutes entreprises et start-up.

Dix capitaux immatériels qui créent la richesse

Le capital innovation est lui aussi valorisé. Il faut considérer l’aspect technologique – avec la R&D qui figure à l’actif du bilan – qui met en évidence le marché d’offre et de demande sur lequel la start-up exerce, mais aussi les produits et les services que l’entreprise développe pour le futur. Ce capital est essentiel pour les start-up de la défense qui se distinguent par des technologies toujours plus poussées1.

Le capital marque(s) illustre la puissance de la marque et le risque lié à la marque (avec la protection juridique). Il s’agit d’un point majeur pour les start-up de la défense, comme Internest avec la sécurité des vols d’hélicoptères où la place du risque est importante. Le capital client montre les qualités collectives et individuelles de la société avec la relation qu’elle adopte avec ses clients et les ventes qu’elle réa- lise. L’Armée et l’État sont des clients très impli- qués dans ce secteur de la défense et jouent un rôle crucial dans ce capital.

Le capital sourcing montre, quant à lui, le design de l’entreprise avec les achats & co-traitance effectués. Le capital relationnel relève de la récurrence clients, les fournisseurs et permet d’obtenir des informations concernant les approvisionnements, les commandes. Généralement, les clients et fournisseurs sont assez récurrents du fait de leur implantation forte dans ce secteur stratégique.

Le capital organisationnel montre, lui, comment les procédures, la structure et le système d’in- formation de la start-up sont mis en place et la manière dont ils fonctionnent. Il y a donc trois aspects à prendre en compte : la structure, les process et les ressources humaines. Le capital partenarial est évalué selon le business model de la start-up. Cela représente l’implication de l’organisation et sa stratégie avec son horizon, la manière dont elle se projette et compte se projeter.

Ces start-up de la défense ont vocation à se développer fortement et rapidement pour devenir des scale-up2. Il faut aussi évaluer le capital actionnarial. C’est-à-dire qu’il faut montrer qu’elle est la capacité des fondateurs, des Business An- gels et des autres actionnaires à courir un risque sur leurs mises de fonds. Le capital responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est valorisé, lui, suivant l’intégration par la start-up de ses différents rôles (social, environnemental, économique). Cet élément est d’autant plus pertinent que les start-up cherchent à se développer dès le début en intégrant la dimension RSE à leur fonctionnement et à leurs produits. C’est donc en évaluant chacun de ces capitaux que la start- up va être valorisée, en prenant tous les éléments la constituant en compte.

Un fort enjeu de gouvernance et de souveraineté française

Il existe un enjeu fort de gouvernance dans le secteur de la défense où l’État est très impliqué, avec des investissements importants dans le but de rester leader dans ce secteur à l’échelle mondiale. Depuis 2015, le secteur de la défense a connu un développement rapide, du fait de la dégradation de l’environnement stratégique et du besoin croissant de protection du territoire national, suite aux attentats.

Le financement de ce secteur a été depuis revu à la hausse par l’État. L’innovation en armement et dans les nouvelles technologies est en effet, devenue un enjeu sécuritaire (vols de drones et sécurité informatique), c’est pourquoi les partenariats avec les industriels se sont multipliés. Ces start-up se financent en levant des fonds3, en rempor- tant des contrats nationaux et internationaux pour pouvoir se projeter à l’export. Leur objectif est de grandir rapidement – comme ce fut le cas pour Diodon – pour devenir des TPE. La question de la création de fonds stratégiques dédiés exclusivement à ce secteur de la défense se pose aussi.

Cela permettrait d’accroître le développement de ce secteur par de nouvelles start-up mais aussi de renforcer la capacité financière de celles déjà existantes. Il y a donc un enjeu de gouvernance et de souveraineté fran- çaise car nous pouvons nous interroger sur la manière dont la France encourage les start-up de la défense face à la crise de la Covid-19 pour pouvoir conserver et renforcer sa position sur le marché international. De nombreuses start-up du secteur de la défense et de la sécurité comme Linkurious et Earthcube ont fait l’objet d’un intérêt prononcé par des investissements étrangers. Ces investissements provenant de fonds étrangers montrent une lacune de l’écosystème de financement dans ce secteur de la défense en France. L’enjeu de la souveraineté française, donc conserver les start-up de la défense sur le sol français, est crucial pour conserver une influence auprès des start-up développant de nouvelles technologies dans le secteur de la défense, de la sécurité et de l’information.

La méthode de valorisation des capitaux immatériels permet donc de valoriser de façon complète et détaillée les start-up de la défense qui sont au centre des enjeux stratégiques de l’État. Au moyen de cette méthode, il est donc possible de voir quels sont les actifs immatériels qui font la richesse de la start-up. Valoriser les capitaux immatériels est ainsi au cœur des enjeux de gouvernance et de souveraineté pour conserver sur le territoire français les start-up de la défense et pour favoriser leur développement.

Bernard Attali*
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e cycle Intelligence économique et stratégique

1) C’est le cas avec les drones pour Diodon, la sécurité numérique avec Numalis, etc.
2) Une scale-up est une start-up qui a validé son offre et son business model et passe à l’étape 2 (NDLR).
3) En 2019, 8 millions € levés au sein de l’accélérateur de start-up