You are currently viewing « Valoriser le capital immatériel des entreprises innovantes » – RB Edition – Mars 2020

Préface

Albert Einstein, grand adepte de la relativité, a un jour déclaré : « Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément ».

Nos quatre auteurs, Bernard Attali, Stéphane Bellanger, Jacky Ouziel et Gilles Trigano, ont fait le pari de donner tort à Albert Einstein ce qui, à l’évidence, nécessite un certain courage et une bonne dose de talents. Dans cet ouvrage, les auteurs posent donc les bases d’une démarche rationnelle dans l’évaluation de ce qui par définition « ne peut pas toujours être compté » : le capital immatériel.

La force de leur approche repose sur la complémentarité de leurs parcours et la richesse de leurs profils : expert financier, enseignant, auditeur, économiste, mathématicien, chef d’entreprise, avocat, commissaire aux comptes et expert-comptable. Il fallait au moins être quatre, capitaliser l’expérience de quarante et disposer d’un peu d’intelligence pour affronter Einstein !

Évaluer le capital immatériel d’une entreprise mature est déjà un exercice difficile. Bien souvent, l’évaluateur privilégie la bonne vieille méthode des comparables, laissant, en réalité, le marché faire le travail d’évaluation à sa place. Aussi, si par comparaison d’agrégats financiers choisis avec pertinence, j’évalue mon entreprise à 100 lorsque sa valeur comptable n’est que de 40, j’ai, par différence, évalué à 60 le goodwill, le capital immatériel. C’est ainsi la différence entre la valeur de mon entreprise selon les marchés financiers et sa valeur comptable qui me permet d’évaluer son capital immatériel.

Lorsque l’entreprise de croissance a passé l’étape de validation de son modèle économique, la méthode pertinente est celle des DCF (Discounted Cash Flows). « En termes simples, la valeur actuelle d’une entreprise est la somme de tout l’argent qu’elle gagnera dans le futur. (Pour correctement valoriser une entreprise, il faut aussi actualiser ces flux de liquidités futurs à leur valeur présente, car une somme d’argent donnée vaut aujourd’hui davantage que la même somme dans le futur) », écrit Peter Thiel, célèbre investisseur de la Silicon Valley ayant investi dans Facebook, SpaceX et LinkedIn, dans son essai De zéro à un (JC Lattès, 2016).

Si la méthode des comparables et celle des DCF semblent appropriées pour externaliser une valeur du capital immatériel, par soustraction, lorsque l’entreprise est d’une taille suffisante, elle marque cependant plusieurs limites. Comment procéder quand il n’existe pas de comparables pertinents ? Quelles méthodes lorsque le modèle économique n’est pas encore abouti et qu’il serait plus que hasardeux de bâtir un premier plan d’affaires ? Mais surtout, que contient ce capital immatériel et quels sont les actifs déterminants ? Est-ce le capital humain ? Le modèle économique lui-même ? Quels peuvent être les composantes de ce capital immatériel ?

Répondre à ces questions paraît impossible et, trop souvent, l’évaluation d’un actif immatériel repose sur des bases irrationnelles. « Je sens bien l’équipe », dira tel investisseur. « J’aime l’ambiance de travail », appréciera un autre. « La complémentarité des dirigeants, les leaders de leur équipe, semble être un atout », pensera encore un autre.

Répondre à ces questions va également permettre à un investisseur d’identifier les actifs immatériels déterminants pour la suite de l’aventure. Quel intérêt de mettre en place un contrôle de gestion rigoureux si la valeur de l’entreprise repose, en réalité, sur tel ou tel actif immatériel identifié ? En préserver la substance et en garantir sa pérennité sera certainement plus créateur de richesse !

Bernard Attali, Stéphane Bellanger, Jacky Ouziel et Gilles Trigano proposent d’éclairer la démarche d’identification et d’évaluation des actifs immatériels en rationalisant celle-ci. Quelles sont les actifs qui composent ce capital ? Comment les identifier ? Quelle démarche pour les évaluer ? Comment les prendre en compte pour réussir, au final, à compter ce qui ne peut pas toujours être compté ?

 

Laurent Benoudiz

Expert-comptable, commissaire aux comptes
Président de l’Ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France